L'épreuve de la foi

Publié le par Père Louis

4ème dimanche de Carême – Année A (Mt)

Dimanche 2 mars 2008

       

« Réveille-toi ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illumineras ». Ce cantique de baptême des premières communautés chrétiennes nous est donné en plein carême pour préparer les catéchumènes à recevoir la lumière du Christ, et pour réveiller les baptisés afin qu’ils vivent en enfant de lumière. Catéchumènes ou baptisés, nous sommes toujours à une initiation chrétienne, à nous laisser, comme l’aveugle de naissance, introduire progressivement dans le mystère de Jésus.

« En sortant du temple ». Jésus sort du Temple, ce signe de la présence de Dieu. D’où vient-il, il sors du Temple, il vient de Dieu. Et il vient à la rencontre du monde.

« Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance ». D’abord Jésus voit. Et quand il voit, c’est à la manière de Dieu : « Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur » (1S 16, 7). « On ne voit qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible aux yeux » dit le renard au petit prince. Jésus voit avec son cœur.

Il vit donc, sur son passage, « un homme qui était aveugle de naissance ». Dieu ne passe pas outre la misère de ses enfants : « J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris ; je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer » (Ex 3, 7-8). Là ce n’est pas l’homme qui cherche Dieu, mais Dieu qui inlassablement vient à la recherche de l’homme qui erre en exil loin de sa Terre Promise. Il vient à la rencontre de cet homme dont on refuse l’accès au Temple. Charles de Foucault, disciple du Christ, « frère universel », a voulu se faire proche de ceux qui sont loin de Dieu. Jésus est plus grand que nos limites, plus grands que notre cécité qui nous empêche d’accéder à Dieu. Il refuse d’entrer dans le terrain du péché pour expliquer la cécité de cet homme. Jésus voit avec son cœur : « ne regardes pas nos péchés mais la foi de ton Église ». Dieu seul connaît le cœur, la foi de cet homme. Nous aussi, laissons-nous approché par l’Envoyé.

 « Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé » dit Jésus. Oui Dieu ne cesse d’agir. C’est bien le même Père qui aux origines « façonna l’homme avec de la glaise prise du sol » (Gn 2, 7), qui maintenant « avec la salive et les mains de son Fils, fait de la boue qu’il applique sur les yeux de l’aveugle ». Jésus, l’Envoyé du Père, est donc venu pour manifester et poursuivre l’œuvre de création et de salut.

Ce geste, comme tout sacrement, s’accompagne d’une Parole : « Va te laver dans la piscine de Siloé (l’Envoyé) » et est précédé d’une affirmation : « Je suis la lumière du monde » qui vient comme en écho au Prologue de Jean : « Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jn 1, 9). A son retour, l’aveugle voit.

En fait, ce miracle nous revoie au baptême : plongé avec le Christ dans les ténèbres de la mort, enseveli avec lui en terre, l’aveugle va être illuminé par l’Esprit, qui l’introduira dans la vie même du Christ ressuscité. C’est d’autant plus fort que cette guérison est réalisée à l’occasion de la fête des Tentes durant laquelle l’eau puisée à la source de Siloé est déversée sur l’autel du Temple en signe de rogations pour la pluie.

Il est aisé pour nous d’interpréter ce miracle à la lumière de Pâques. Mais comment réagissent les témoins ? Les voisins ne comprennent pas. Les pharisiens ne voient qu’une infraction légale : Jésus guérit un aveugle le jour du sabbat. Jésus ne peut donc venir de Dieu. Ils mènent donc leur enquête. Ils interrogent l’homme guéri qui leur confesse : « C’est un prophète » en parlant de Jésus. Il commence à découvrir l’identité de Jésus. Puis les pharisiens interrogent les parents qui leur répondent : « Il est assez grand, interrogez-le ! ».

Qui est ce Jésus ? Voilà la question de fond (qui est celle de tout l’évangile). Il y a d’un côté les pharisiens qui croient savoir : « nous savons, nous, cet homme est un pécheur », et de l’autre l’homme guérit qui est en attitude d’initiation : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois ». D’un côté la subjectivité d’une opinion et de l’autre l’objectivité d’une réalité, celle de la guérison. Dans cette altercation, les pharisiens finissent par avouer leur cécité : « Celui-là, nous ne savons pas d’où il est » et l’homme guérit commence à entrevoir la réalité de Jésus par une négation : « Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire ».

Pour faire le saut de la foi au Christ, l’homme est d’abord exclu par les pharisiens : « ils le jetèrent dehors ». C’est le sort des premiers chrétiens, issus du judaïsme, qui sont exclus de la synagogue. La confession de foi de l’aveugle guéri culmine dans la deuxième rencontre avec Jésus par une réponse à la question « Crois-tu au Fils de l’homme ? », une réponse en parole et en acte : « « Je crois, Seigneur », et il se prosterna devant lui ». Ainsi, il reconnaît en Jésus l’envoyé de Dieu. C’est en mettant nos pas dans ceux du Christ, en l’écoutant parler, en le regardant agir, en nous laissant saisir progressivement par toute sa Personne, que aidés par l’Esprit, nous sommes amenés progressivement à confesser sa messianité, c’est-à-dire à « voir » en lui, avec les yeux de la foi, le Fils de Dieu nous révélant la bonté du Père.

Ce parcours de foi est un modèle pour chacun de nous. Si nous avons été illuminés par le Christ, si nous avons reçu la foi le jour de notre baptême, celle-ci doit encore être éprouvée par la contradiction, purifiée par l’épreuve. C’est le sens du Carême que chaque année nous sommes invités à vivre avant la rencontre de Pâques.

« Le Seigneur est mon berger… Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal ». Laissons-nous conduire par le Christ sur le juste chemin qui, malgré fatigue et contradiction, nous mène droitement à la maison du Père. Père, nous t’en supplions, « augmente la foi du peuple chrétien, pour qu’il se hâte avec amour au devant des fêtes pascales qui approchent.

Publié dans Année A - Carême

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