Le Grand commandement

Publié le par Père Louis de Villoutreys

30ème dimanche du Temps ordinaire - Année A (Mt)

Dimanche 26 octobre 2008 (Bressuire et Clazay)


Textes : Ex 22, 20-26 ; Ps 17; 1Th 5c-10; Mt 22, 34-40 

 


     L’amour, voilà bien un thème récurrent dans la littérature, la chanson, le cinéma et tout simplement dans nos vies. N’est-il pas d’une banalité de parler d’amour et de ses blessures ? Si c’est peut-être banal d’en parler, nous sentons bien que l’amour est essentiel pour vivre. Sœur Emmanuelle, dont la France s’est émue du décès, nous donne le témoignage d’une vie donnée par amour. J’entends encore, cette petite sœur, il y a vingt ans à Poitiers, dire : « L’amour est plus fort que la mort », expression qu’elle empreinte au Cantique des Cantiques (Ct 8, 6). Elle n’a cessé de le répéter jusque dans son testament spirituel.

    L’Amour, tel est le thème de l’Évangile d’aujourd’hui. D’ailleurs, c’est le thème de toute la Bible qui est une histoire de relations, d’Alliance entre Dieu et son peuple. Cette relation d’alliance n’est pas sans règle, sans loi. C’est vrai pour le peuple d’Israël, c’est vrai pour notre société : il n’y a pas de vie sociale sans code, sans loi.

    C’est justement sur la Loi que les pharisiens interrogent Jésus : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Il faut dire qu’il y a 613 commandements dans la Loi. Même si la question est un piège tendu à Jésus, elle me semble essentielle. Nous avons des lois civiles, morales et religieuses, des règles personnelles, mais demandons-nous quel est le plus important parmi elles ? Faut-il mettre toutes les règles sur un même plan ? Jésus, qui est Juif, connait bien la Loi : il répond à la question en citant la Bible. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (Dt 6, 5). C’est un extrait de la prière juive Shema Israël (« Ecoute Israël ») qui exprime la foi au seul Dieu, au Dieu unique. Ainsi, aimer Dieu, « voilà le grand, le premier commandement ».

Il s’agit d’un commandement. Il est difficile de nos jours de dire qu’aimer - aimer Dieu - est un commandement. L’amour de Dieu, autrement dit la religion, est considéré comme un choix personnel qui ne doit être dicté par personne. C’est vrai, ça reste toujours un choix. Mais est-ce évident ou naturel d’aimer Dieu ? S’il n’y avait pas ce commandement pour nous interpeller, pour nous réveiller, aurions-nous l’occasion de choisir. Savez-vous qu’il y a dans l’Eglise cinq préceptes ? Voici les deux premiers : « participer à l’eucharistie dominicale et aux autres fêtes d’obligation et s’abstenir des travaux et des activités qui pourraient empêcher la sanctification de tels jours ». Le deuxième : « confesser ses péchés au moins une fois par an ». Ces préceptes nous rappellent que l’amour de Dieu n’est pas quelque chose d’abstrait mais s’exprime dans du concret : le repos et la messe dominicale, le sacrement du pardon dans l’année.

Il s’agit d’aimer Dieu avec toute sa personne : « de tout son cœur », c’est-à-dire avec sa volonté, « de toute son âme », c’est-à-dire avec force, et « de tout son esprit », c’est-à-dire avec son intelligence.

    L’amour de Dieu peut-il être la seule réponse à la question « quel est le grand commandement ? » D’une certaine manière oui, Jésus dit « voilà le grand commandement  ». Dans l’histoire de l’Alliance entre Dieu et son peuple, ce qui est essentiel, c’est bien l’amour du peuple envers Dieu qui répond à l’amour de Dieu envers son peuple. Mais, Jésus ne se contente pas de cette citation du Deutéronome. Il ajoute « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Il veut faire comprendre au docteur de la Loi qui l’interroge que l’amour de Dieu est indissociable de l’amour du prochain, plus encore ce deuxième commandement est semblable au premier. C’est une exigence pour nous chrétiens : n’est-il pas plus facile d’aimer un Dieu qui nous serait lointain que d’aimer l’homme qui nous est proche. En fait, si on comprend bien, Dieu n’est pas lointain, il est avec nous (« Emmanuel »). Il est au milieu de nous quand deux ou trois sont réunis en son nom (cf. Mt 18, 20), c’est vrai, il aussi présent dans les autres, en particuliers les plus faibles : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ses petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). En fait Jésus, qui est Juif, cite un commandement du Lévitique (Lv 18, 19). Le précepte « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » n’est pas un vœu pieux, il est précédé dans le Lévitique par une série de préceptes concrets du même style que ceux que nous avons entendus dans la première lecture de l’Exode (respect de l’immigré, de la veuve et de l’orphelin…)

    Nous parlons souvent du double commandement de l’amour (amour de Dieu et amour du prochain), mais an peut dit dire aussi qu’il s’agit d’un triple commandement : l’amour de soi. Il s’agit d’aimer son prochain comme soi-même. Il y aurait beaucoup à dire sur l’amour de soi quand on constate dans notre société tant de suicides pou de manque de confiance en soi. Sans regarder les autres, interrogeons-nous chacun sur l’amour de soi. Comment aimer l’autre si je ne m’aime pas moi-même ?

Enfin, nous voyons bien que l’amour de Dieu et du prochain n’est pas une nouveauté chrétienne, il appartient à la tradition juive. La nouveauté chrétienne réside dans le fait que l’amour de Dieu et du prochain est le sommet de la Loi, plus encore cet amour a un visage, c’est Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, qui instaure en sa personne une Nouvelle Alliance dont la croix est le signe. Dans la croix, la verticalité est indissociable de l’horizontalité. Ainsi on pourrait résumer le double commandement de l’amour par « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » !
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F
Merci mon Père pour cette belle homélie, qui est à méditer pour très longtemps. <br /> Permettez-moi de vous poser une question qui, sans paraître directement liée à votre réflexion, ne lui est pourtant pas totalement étrangère.<br /> Après être resté trente ans sans aller à l’église, j’ai retrouvé la pratique et la ferveur…grâce à la messe traditionnelle.<br /> En découvrant ce monde nouveau pour moi j’ai trouvé des choses étonnantes…des tas de gens qui grâce au Motu Proprio sont revenus à l’église qu’ils avaient longtemps désertée… des vocations très nombreuses;..mais aussi des fidèles et des prêtres sans église….alors que par ailleurs tant d’églises sont vides.<br /> Et aussi, une chose qui me frappe est l’écart énorme entre la description que charrient les médias des catholiques attachés à la tradition (des nostalgiques plus que centenaires, hargneux et très marqués à l’extrême-droite, ‘exagère à peine) et la rélaité de gens souvent jeunes, chaleureux et très ouverts…avec un très grand nombre d’immigrés et d’Antillais. <br /> <br /> Ma question est dès lors la suivante : une mise en oeuvre généreuse du motu proprio ne serait-elle pas une occasion de charité et d'échange entre catholiques. Comment expliquer que certains semblent traîner des pieds devant cette superbe occasion que nous donne le Saint Père.
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